18
L’interrogatoire du prêtre

Amos, à moitié conscient et ficelé comme un saucisson, attendait dans les appartements du grand prêtre. Il rêva de Sartigan qui, dans sa cabane près d’Upsgran, lui rappelait les quelques principes nécessaires à la constante évolution d’un porteur de masques.

Il lui enseignait de toujours garder l’esprit clair et d’être vigilant à chaque instant. En aucun cas il ne devait laisser ses perturbations émotionnelles le déranger. Cet état d’éveil, que le maître appelait la motivation, devait servir à aiguiser les sens de son protégé et à maintenir son corps et son esprit toujours en alerte.

Sartigan lui avait aussi parlé de l’accoutumance. Cette condition mentale devait toujours être présente dans le cœur d’un porteur de masques pour qu’il demeure conscient, au quotidien, des buts les plus nobles à atteindre. Il lui fallait tendre sans cesse vers la perfection afin que son entourage en profite.

En dernier lieu, il devait bien connaître son chemin dans la vie et ne pas s’en détourner. Ce troisième principe constituait un des pivots de la réussite. Amos devait oublier les actions maladroites du passé pour construire son avenir sur ses actes vertueux.

Comme le porteur de masques écoutait en rêve son maître lui faire la leçon, une eau glacée le ramena vite à la conscience. Toujours ligoté, Amos fut suspendu dans les airs, la tête en bas. Étourdi et toujours désorienté, le garçon aperçut deux soldats sumériens à la forte carrure qui l’encadraient. Devant lui, Enmerkar le regardait avec circonspection. Le grand prêtre dit alors quelque chose en sumérien, mais Amos ne comprit rien de ce charabia. L’homme essaya sans succès, dans plusieurs langues, d’entrer en contact avec l’adolescent, jusqu’à ce qu’il demande :

— Tu parles nordique ?

— Oui, répondit Amos. Ma langue maternelle est le nordique.

— Et tu fais quoi ici ? s’enquit le prêtre avec un accent à trancher au couteau.

— Je… je suis venu libérer ma mère de l’esclavage, avoua Amos sans crainte.

— Elle est esclave, ta mère ? Ici ? demanda Enmerkar.

— Oui, et… et je suis venu pour la ramener chez moi ! lança le porteur de masques.

À ce moment, Amos aurait pu enflammer ses liens et se libérer rapidement de son inconfortable position, mais il jugea plus sage de jouer la comédie et de laisser croire qu’il était inoffensif. Sartigan lui avait bien dit de rester vigilant et de garder l’esprit clair en toute circonstance.

— Tu sais quoi de l’énigme ? questionna le grand prêtre en le fixant dans les yeux.

— Quelle énigme ? Je ne sais pas de quoi vous parlez, mentit Amos, qui se rappelait très bien les mots qu’il avait déchiffrés avec Lolya et Médousa dans le livre comptable des barbares.

— Tu mens ! déclara Enmerkar. Je ne comprends pas pourquoi toi tu es à mentir… Et explique ceci !

Le prêtre sortit alors des affaires d’Amos les deux oreilles en cristal de Gwenfadrille et le disque sacré appartenant au culte des minotaures.

— Explique ceci ! insista-t-il.

— Il n’y a rien à expliquer, commença Amos. Ce sont des objets sans valeur que j’ai trouvés sur ma route vers El-Bab.

— Ce disque, sans valeur ? rigola Enmerkar. Mais juste la pierre de rose a beaucoup de valeur pour petit voleur que tu es… Je pense que tu n’es pas important et que tu es un vaurien. Être un fils d’esclave échappé, peut-être ? Rien d’important… Non, nous allons te couper les deux mains pour donner à toi une leçon !

— En réalité, menaça le porteur démasques, je me nomme Amos Daragon, et je suis venu jusqu’à toi pour faire tomber cette tour ! Voilà toute la vérité !

Enmerkar éclata d’un grand rire moqueur. Il s’approcha d’Amos, lui cracha au visage :

— Toi, tu fais tomber MA tour ? Grande menace pour petit garçon ! Dommage que ta bouche trop grande, car je vais briser toi comme ceci !

Le grand prêtre, pour souligner sa menace, lança le disque du culte minotaure haut dans les airs et ce dernier vint se fracasser violemment sur le sol. Amos, le souffle coupé, ne put rien faire pour empêcher l’objet d’éclater en mille morceaux. Sous l’impact, la pierre rose se dégagea du disque, devint luminescente pendant quelques secondes, puis s’éteignit définitivement. Si la légende que lui avait racontée Minho sur les pouvoirs du disque était vraie, il valait mieux fuir cette tour dans les plus brefs délais !

Sans perdre de temps, Amos utilisa ses pouvoirs sur le feu et fit s’enflammer les liens qui le retenaient prisonnier. Les deux gardes postés près de lui bondirent en arrière sous l’intensité de la chaleur. Le porteur de masques tomba violemment face contre terre, mais ne se blessa pas.

— Tuez-le ! ordonna le prêtre à ses deux soldats.

Les gardes dégainèrent ensemble leur épée et foncèrent sur Amos. Le garçon évita la première lame de justesse, mais la seconde lui déchira le flanc. Au lieu de sang, la plaie s’emplit de boue et se referma aussitôt. Le masque de la terre avait encore fait son boulot !

Amos concentra la force de sa magie et produisit un courant d’air si fort qu’il propulsa un des gardes par la fenêtre. La chute du Sumérien lui fut fatale ! Dans la foulée, le garçon évita deux coups d’épée de l’autre soldat et, d’un habile mouvement, saisit son poignet. Le porteur de masques déchargea alors dans sa main une chaleur brûlante qui carbonisa la peau de l’homme en imprégnant dans sa chair la marque de cinq doigts. Le Sumérien hurla de douleur, laissa échapper son arme et se dégagea. L’épée fut aussitôt récupérée par Amos qui la projeta vers le garde et, s’aidant de ses pouvoirs sur l’air, la dirigea vers l’une de ses jambes. La lame traversa la cuisse du Sumérien et se fixa solidement dans le muscle. L’homme était maintenant hors d’état de nuire.

Pendant cette brève altercation, le grand prêtre eut largement le temps de saisir son grand bâton de culte et de préparer quelques sorts. Enmerkar invoqua alors la force d’Enki et envoya une puissante décharge mentale au garçon. Amos, sous l’emprise de cette attaque, eut soudainement très peur : un incroyable effroi lui glaça le sang jusqu’à la moelle ! Le souffle coupé et le corps crispé, le garçon n’osa plus bouger. Le prêtre en profita alors pour bondir sur lui.

Dans les flancs, derrière la tête et sur le dos, une pluie de coups de bâton tomba sur le porteur de masques. Toujours sous l’emprise mentale du prêtre, la peur empêchait Amos de se défendre. Il serait sûrement mort, battu sans merci par le prêtre si, à ce moment, un grand tremblement de terre n’avait pas dérangé Enmerkar.

— Mais qu’est-ce que c’est ? cria l’homme dans sa propre langue en se dirigeant vers une des fenêtres de la tour.

— Les… dieux barbares… arrivent ! balbutia Amos en reprenant ses esprits. Il… il vaudrait… peut-être mieux… sortir d’ici !

— DIEUX BARBARES ? De quoi parles-tu ? hurla Enmerkar en regardant à l’extérieur. Je ne vois rien !

Amos profita de ce moment pour se remettre sur pied. Il se dirigea en claudiquant vers la sortie pour s’échapper, mais en vain. Un autre sort du grand prêtre le figea sur place. Un rayon noir provenant de la main d’Enmerkar lui arracha toute volonté de fuir, de rester ou même d’exister. Le garçon sentait la vie s’échapper de son corps. Comme un baril fissuré laissant déverser son contenu, Amos voyait son âme le quitter sans pouvoir rien y faire.

— Avant de tuer toi, dit le prêtre en maintenant son emprise, dis si tu es celui qu’Enki a peur de ? Tu es celui qui détruire El-Bab ? Celui qui recevoir la dernière plaie d’Enki ?

— Je suis Amos Daragon et je suis porteur de masques.

Puisant dans les dernières ressources de son âme affaiblie, le garçon tenta de lancer un dernier sort. Il pointa Enmerkar et enflamma d’un coup ses cheveux. Le prêtre perdit aussitôt son emprise et le porteur de masques s’affaissa au sol, complètement vide d’énergie.

La terre trembla alors une deuxième fois et la tour se fissura à plusieurs endroits.

Du coin de l’œil, Amos remarqua que le grand prêtre avait la tête plongée dans l’eau bénite d’un bassin cérémonial. Ses cheveux étaient maintenant éteints et l’homme allait émerger pour respirer. L’espace d’une seconde, le porteur de masques revit Sartigan lui enseignant une de ses dernières leçons. Le vieillard lui avait dit que la vie qui coule dans l’âme d’une personne juste est une source inépuisable de forces morales. Pour y avoir accès, il suffisait d’avoir la foi. Non pas celle qui se résume au fait de croire en une force spirituelle capable de miracles : il s’agissait de la vraie foi, celle qui réfère à la vérité.

Amos savait que cette force était la source de sa destinée et que ce fond inépuisable d’énergie lui sauverait la vie. De toute évidence, Enmerkar allait le tuer à sa prochaine attaque et le porteur de masques ne pouvait plus en endurer davantage.

— C’est lui ou moi ! haleta Amos en invoquant la puissance de l’eau.

Enmerkar essaya alors de retirer sa tête du bassin, mais en fut incapable. L’eau semblait le retenir prisonnier. Encore et encore, le prêtre essaya en vain la même manœuvre. À bout de nerfs, mais surtout à court d’oxygène, il commença à paniquer sérieusement.

De son côté, le porteur de masques maintenait son contrôle sur l’élément liquide. Le garçon avait en lui des ressources de vitalité bien cachées qui, au-delà du désespoir et de la fatigue, étaient prêtes à le servir et à le seconder dans sa magie. Sartigan avait dit la vérité lorsqu’il parlait d’une source inépuisable de forces morales. C’est à ce flux vital qu’Amos puisait maintenant le carburant nécessaire à son contrôle sur l’eau.

Le grand prêtre commençait à se noyer. Toujours incapable de s’extirper la tête du bassin cérémonial, il se mit à bouger frénétiquement en cherchant avec ses mains quelque chose pour fendre le réservoir. Incapable de respirer, son agitation lui faisait perdre de l’air encore plus rapidement. De grosses bulles émergeaient de chaque côté de son visage. Dans un effort désespéré, Enmerkar tenta une dernière fois de se soulever, mais n’y réussit pas. Son corps retomba mollement sur le rebord du bassin, encore animé de spasmes, et cessa définitivement de bouger après quelques secondes. Amos venait de noyer le grand prêtre : la prophétie avait dit vrai !

La terre trembla une troisième fois et la tour se fragilisa encore. Les murs se couvrirent de fissures et de gros morceaux de pierre tombèrent du plafond. Des cris de panique et des hurlements hystériques se firent entendre de l’extérieur. Le porteur de masques relâcha alors son sort et le corps inanimé de son ennemi glissa au sol.

— Il me faut maintenant sortir d’ici au plus vite, pensa Amos en essayant de se relever. Je dois sortir ! Tout va bientôt s’effondrer !

Une poutre de soutien en marbre s’affaissa alors à côté de lui et écrasa sa jambe droite sous plusieurs centaines de kilos de pierre.

— Noooon ! hurla de douleur le garçon. Ma jambe ! Au secours ! Me voilà prisonnier ! Bon… Du calme… Du calme et pense ! Allez, pense ! Pense vite !

La terre cessa de trembler et le porteur de masques eut un peu de répit pour remettre ses idées en place.

— Résumons la situation, se dit-il. Je suis dans une tour haute de trois cents étages qui s’effondrera bientôt sous l’attaque des dieux barbares. Je suis prisonnier de cette salle et ma jambe est coincée sous les restes de cette colonne. Je n’ai pas le temps d’envoyer un message pour appeler au secours, je n’ai plus la force d’utiliser ma magie, et je n’ai aucun moyen de me couper la jambe. Les dieux ne viendront pas à mon secours, car aucun d’eux, qu’il soit du côté du bien ou du côté du mal, n’aime les porteurs de masques. Si je ne trouve pas rapidement une solution, cette tour deviendra mon cercueil ! Pas de panique… je dois réfléchir… réfléchir et trouver une solution !

— Il n’y a pas de solution et pas d’avenir pour toi, dit la voix criarde d’un petit bambin frustré.

Amos releva la tête et le temps sembla alors se figer. Un petit garçon d’environ cinq ans, les cheveux bouclés et blonds, était assis devant lui et tenait une tour miniature entre ses mains.

— Tu as brisé ma tour, continua l’enfant boudeur, je te déteste !

— Je n’ai rien brisé du tout, lui répondit doucement le porteur de masques, perplexe.

— Oui, je te dis ! insista le petit bonhomme. Tes monstres vont la faire tomber… je le sais… Ils sont là dehors et ils arrivent ! Je les ai vus !

— Mes monstres sont là ? répéta Amos en pensant aux dieux barbares.

— Dis-leur de partir et de laisser ma tour tranquille, implora l’enfant contrarié. Si tu le fais, je ne te ferai pas de mal…

— Mais… mais je… mais je ne peux pas… ce n’est pas moi qui… balbutia l’adolescent.

— Dis à tes monstres de partir ou je fais une crise ! hurla l’enfant, très mécontent.

— D’accord, d’accord ! répondit Amos pour gagner du temps.

Le porteur de masques se doutait bien que le petit bonhomme appelait « monstres » l’incarnation des dieux minotaures. Le disque sacré avait été brisé par Enmerkar et la légende semblait bien se concrétiser.

— Je vais leur dire de partir seulement si tu me dis ton nom, continua Amos.

Le gamin hésita, puis révéla son identité :

— Je m’appelle Enki et je suis le seul et unique dieu du monde !

— Tu es le seul dieu ? s’étonna Amos. Je croyais qu’il y en avait plusieurs…

— Et toi, l’interrompit le bambin sans répondre à sa question, tu t’appelles Amos Daragon et tu es un porteur de masques, ce qui veut dire que tu n’aimes pas les dieux et que les dieux ne t’aiment pas non plus, et que moi aussi je te déteste parce que tu vas faire tomber ma tour AVEC TES MONSTRES !

Amos n’en croyait pas ses yeux ni ses oreilles. Enki était un dieu-enfant ! Il était exigeant, difficile et incapable d’endurer la moindre contrariété. C’était un bébé gâté prêt à entrer dans de violentes colères meurtrières s’il se voyait refuser un de ses désirs. Cette divinité utilisait les hommes comme de simples jouets mis à sa disposition pour assouvir ses petits caprices. De son intolérable caractère transpirait une attitude imperméable à la tolérance et à la compréhension. Ce dieu-enfant avait été élevé sans règles et sans repères. Il ne connaissait pas de limites et le mot « non » entraînait chez lui une fureur apocalyptique.

— Mes monstres ne feront rien du tout à ta tour, dit Amos pour calmer l’enfant. Est-ce toi qui as ravagé le pays ? C’est bien toi qui a envoyé les grenouilles, la maladie et les autres malédictions ?

L’enfant éclata alors d’un rire joyeux. Seul un enfant capricieux et sans morale aurait pu faire autant de mal sans se soucier des conséquences.

— Oui, c’est moi ! avoua Enki sans vergogne. Et je me suis bien amusé ! Maintenant, il ne reste plus que MA tour, MA tour à MOI, MA grande tour !

— Mais pourquoi as-tu fait tout ce désordre ? demanda Amos, démonté. Pourquoi tous ces morts, cette misère et cette souffrance ? Les humains ne sont pas des jouets !

Enki haussa négligemment les épaules et, l’air boudeur, répondit :

— Parce que j’en avais envie…

— Tout cela, seulement parce que tu en avais ENVIE ? ragea le porteur de masques. Il n’y a pas d’autres raisons ? Pas de grands projets pour l’humanité ? Rien qu’une simple envie ?

— J’ai le droit, bouda le petit garçon. Je suis un dieu…

— Approche ici, ordonna soudainement Amos avec un grand sourire. Viens, j’ai un cadeau pour toi…

Méfiant mais attiré par la promesse d’un présent, Enki se leva et s’avança maladroitement vers l’adolescent.

— Approche encore, dit Amos. Je ne peux aller vers toi, j’ai une jambe coincée sous la colonne. Approche… Allez ! Je te jure que tu te souviendras longtemps de mon cadeau. C’est quelque chose que tu n’as jamais eu et qui te sera très utile à l’avenir !

Lorsque le dieu-enfant fut tout près de lui, Amos s’élança de toutes ses forces et gifla le gamin qui tomba à la renverse.

— Voilà mon cadeau, sale mioche ! hurla le porteur de masques. Comme tu n’as jamais reçu de bonnes corrections, j’espère que celle-ci te sera utile ! Mon ami Koutoubia est mort à cause de toi, petit merdeux ! Voilà tout ce que tu mérites ! Considère-toi chanceux que je ne sois pas un dieu, ta punition serait terrible.

Enki, rouge de colère de s’être fait piéger, cria comme un possédé en donnant des coups de pied et des coups poing au sol. Le dieu s’était fait gifler par un mortel ! Quelle honte et quelle frustration ! En pleurant de rage, la joue encore rouge marquée des cinq doigts d’Amos, la jeune divinité menaça :

— Retire tes monstres de ma tour !

Amos éclata alors d’un grand rire sarcastique.

— Mes monstres resteront là où ils sont, car je n’ai aucune confiance en toi ! J’aime mieux mourir dans cette tour que d’obéir à un seul de tes caprices.

— ET TU MOURRAS ! lança le dieu-enfant, enragé. Mais avant, je jure que tu vas avoir mal… très mal… Je vais te faire souffrir…

— Tu veux me faire quoi ? s’impatienta Amos. M’arracher les yeux ? Me démembrer ? M’ouvrir le ventre ? Allez, vas-y ! Je suis fatigué de me battre contre vous, les dieux ! Il est grand temps que cela finisse ! Allez, petit bout de chou ! Montre ce dont tu es capable ! Va au bout de ta haine ! Qu’est-ce que tu attends ? Ta tour va tomber de toute façon et tu ne peux rien y faire ! Les dieux barbares la briseront ! J’ai gagné !

L’enfant plissa les yeux de colère et serra les dents. Avant de disparaître, il lança la dernière plaie d’Enki, celle qui était réservée à l’élu. L’enfant-dieu prononça lentement ces mots, en appuyant sur chacune des syllabes :

— Va en enfer !

Au même moment, la tour s’effondra en emportant dans sa chute le corps déchiré d’Amos Daragon.

La Colère d'Enki
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